Le mode de vie autiste et ses effets positifs en ces temps troublés par l’épidémie (Josef Schovanec)

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Josef Schovanec

La médecine est une science pleine d’ironie : certes, l’épidémie virale actuelle n’a rien à voir avec l’autisme. Néanmoins, par une curieuse coïncidence, elle pourrait bien s’accompagner d’une sorte de triomphe du mode de vie autistique.

Que l’on y songe. Pour les autistes, notamment dans l’enfance, les salutations sont un enfer : difficile de gérer le contact physique et tout simplement de faire la séquence exacte requise de gestes, que ce soit pour serrer la main ou pour, pire encore, faire la bise, cette aberration méridionale. En période d’épidémie, le problème est enfin résolu : c’est aux non-autistes de se mettre au style japonais ou autiste – deux mots bien plus proches qu’on ne le croit. À vrai dire, ce qui m’a le plus surpris est de constater avec quelle facilité les non-autistes s’y mettent et ne paraissent nullement frustrés ni déçus.

Mais il y a mieux : désormais, dans un nombre croissant de lieux, le quotidien des non-autistes tend à se rapprocher de celui coutumier aux autistes. Soit par peur personnelle d’être contaminé, soit par obligation juridique, de plus en plus, les lieux de socialisation ferment. Cinémas, boîtes de nuit, c’est fini tout cela. Rien de plus naturel pour les autistes : au cinéma, il y a de toute façon trop de monde, trop de bruit et les films, en particulier récents, sont généralement incompréhensibles pour les autistes. Quant aux boîtes de nuit, n’en parlons même pas : il s’agit d’un mensonge absolu, étant donné qu’il ne s’agit nullement de boîtes avec de la nuit dedans – tout le contraire.

Le plus curieux pourrait bien être l’apparition dans le vocabulaire public d’éléments que l’on jurerait être issus de pratiques autistiques, tels que le « social distancing ».

Alors, je l’avoue, je crains le pire : que les non-autistes tombent dans une profonde dépression. Il faut les aider. Il serait temps que les camarades autistes donnent des cours (à distance, bien sûr) aux non-autistes pour que ces derniers sachent occuper leur temps libre nouvellement acquis, certes de façon involontaire. En quarantaine, rien de mieux que d’avoir un centre d’intérêt fort. Là encore, sans surprise, il s’agit d’un trait autistique : untel collectionne les bics, tel autre les vieux dictionnaires, tel autre encore fait de la couture. Avec un semblable mode de fonctionnement, les quarantaines pourraient bien devenir un bon moment dans la vie.

Bref, pour le dire en un mot : loin d’être un handicap ou un défaut biologique, l’autisme est bon pour la santé, en particulier en ces temps troublés que nous traversons.

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