10/07/2018 14:04 EDT
Une clinique spécialisée en autisme entretient une vision critiquable
Je dénonce vivement leur vision de l’autisme ainsi que leur discours médisant qui en découle.
GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO
J’ai découvert récemment l’Association des parents d’enfants Asperger. Mais c’est avec stupéfaction que j’ai pris connaissance de leur vision primitive et psychanalytique de l’autisme. Nous pouvons y lire, entre autres, que «l’enfant asperger a échappé à l’autisme, à la naissance (page Facebook consultée le 13 juin 2018)», une phrase tirée d’un texte signé par un administrateur de l’association, Normand Giroux.
Quelle fut ma surprise de constater que cette association est directement en lien avec la clinique Autisme et Asperger de Montréal. Cette clinique est reconnue pour son expertise en autisme et la réputation des professionnels, tels que le Dr Normand Giroux ou le Dre Isabelle Hénault, n’est plus à faire. Pourtant, les propos tenus par cette clinique et la nouvelle Association des parents d’enfants Asperger sont porteurs de messages préjudiciables pour les autistes, leur entourage et la population.
Je dénonce vivement leur vision de l’autisme ainsi que leur discours médisant qui en découle.
Lorsqu’un administrateur d’une telle association se permet d’affirmer que, et je cite: «L’enfant Asperger n’est pas un vrai autiste, mais il n’est pas normal non plus. C’est un autiste manqué et un neuro-typique mitigé. Il a échappé à la captivité autistique, mais en porte les stigmas. Plus l’enfant est Asperger, plus il est normomitigé et moins il est autiste», c’est toute la communauté autistique qui est éclaboussée et stigmatisée. C’est un grand pas vers l’arrière pour la compréhension de l’autisme et pour sa reconnaissance positive en tant que diversité neurologique.
L’autisme est inclusif, il englobe tous les autistes, c’est-à-dire les personnes chez qui le fonctionnement perceptif est préférentiel. Le fonctionnement perceptif en autisme est démontré scientifiquement depuis longtemps déjà. Le phénomène de plasticité modale croisée à la base de ce fonctionnement est présent chez tous les autistes, qu’ils soient prototypiques (Kanner, classique) ou Asperger. Le niveau de soutien dont la personne autiste a besoin est variable et multifactoriel, qu’elle soit prototypique ou Asperger.
Pour couronner le tout, nous pouvons retrouver un texte sur le site de ladite clinique. Pour citer un passage: «Des formes sévères d’autisme aliènent certains individus atteints, leur comportement devient aberrant.»
Je trouve cela littéralement odieux! L’autisme n’est pas une anormalité, ni une aberration, ni un dérèglement du fonctionnement psychique. Une personne autiste n’est pas tenue en captivité par son autisme! Les mots de ce texte sont d’une dureté sans nom pour les autistes, que l’on semble accuser, par ailleurs, d’être les responsables de la souffrance de leur entourage.
Je me demande comment une clinique spécialisée en autisme, qui reçoit un grand nombre de personnes potentiellement autistes et qui rencontre, par le fait même, plusieurs autistes, en arrive à des conclusions si erronées et si éloignées de la réalité! Je me demande comment ces personnes expérimentées en autisme peuvent humilier des êtres humains de la sorte, comparant leur personnalité et leur nature profonde à de la déviance psychique.
Je me demande comment ces personnes de grande expertise peuvent discréditer les autistes qui militent (et ceux qui appuient leur démarche) pour la reconnaissance de leur divergence neurologique, en qualifiant leur démarche de «fascination naïve».
Voir l’autisme sous le prisme de la neurodiversité, c’est-à-dire comme une autre forme d’intelligence, est une mystification que pour ceux qui portent des œillères empêchant l’ouverture d’esprit, le respect et l’humanisme.
Je me demande également comment une telle clinique peut entretenir un discours sur l’autisme qui me semble si nocif, alors que les plus récentes découvertes en autisme démontrent le fonctionnement perceptif et détruisent la notion de continuum du spectre autistique.
Qui plus est, la clinique s’affiche comme fervent défendant des thérapies comportementales intensives, comme ICI et ABA. Une véritable torture pour les autistes! La clinique pousse l’outrage jusqu’à laisser un livre en guise de référence, prétendant que la guérison de l’autisme est possible.
En effet, L’autisme vers une guérison possible propose aux parents différents traitements principalement biologiques et comportementaux pour vaincre l’autisme. «Ravissons-lui l’âme des enfants à naître, restaurons des vies à déployer, des personnes à grandir. Traitons l’autisme», telle semble être la mission de cette clinique et vraisemblablement de l’association qui en découle.
L’autisme n’est pas le tueur de tous les espoirs. Ce sont plutôt ces traitements et cette idéologie visant à supprimer l’essence même d’un être humain certes singulier, mais entier.
Bien entendu, la définition de l’autisme évolue au fil des années et la science nous en apprendra davantage sur le fonctionnement du cerveau humain. Cependant, ce n’est pas en entretenant un discours archaïque sur l’autisme ni en tournant en ridicule le concept de la neurodiversité que nous pourrons améliorer la compréhension de l’autisme.
Tant et aussi longtemps que ce type de discours continuera de proliférer, la discrimination et la maltraitance envers les autistes continueront d’exister, sous prétexte que les autistes sont «malades» et que leurs «symptômes» doivent être traités. Une violence non éthique acceptée dans notre société.
Les autistes ne sont pas des êtres humains manqués, dotés d’un psychisme séquestré par l’obscure bête noire nommée autisme. Ce sont des êtres humains ne demandant qu’à être considérés avec leurs forces et leurs faiblesses.