Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Emploi_des_personnes_autistes
Emploi des personnes autistes
L’emploi des personnes autistes présente l’un des taux les plus bas parmi tous les travailleurs en situations de handicap, 76 à 90 %d’entre elles étant au chômage en Europe en 2014. La majorité des personnes avec troubles du spectre de l’autisme (TSA) souhaitent un emploi et en ont les capacités, des exemples de carrières fructueuses ayant été médiatisés. Longtemps maintenus en établissement spécialisé, ou dépendants de leurs parents, les adultes autistes qui accèdent à l’emploi le font généralement sur des postes peu qualifiés, de façon discontinue et à temps partiel, sans que ne soient pris en compte leurs souhaits et aspirations. Les perspectives sont les plus pauvres pour les personnes non-verbales.
Une grande variété de carrières et de postes sont potentiellement accessibles aux personnes autistes, bien que les postes nécessitant peu de relations humaines soient notoirement privilégiés, et associés à davantage de succès. Des secteurs tels que l’armée, l’hôtellerie–restauration, la traduction-rédaction, l’informatique, l’art, l’artisanat, la mécanique, ou encore les métiers de la nature, sont plus particulièrement recherchés et adaptés.
Les difficultés rencontrées à l’emploi ont de multiples explications. Généralement liées à une mauvaise communication entre employeurs et travailleurs autistes, elles découlent surtout des problèmes rencontrés par les personnes autistes pour comprendre les relations sociales et gérer leurs hypersensibilités sensorielles, bien davantage qu’à de la déficience intellectuelle. De fréquentes discriminations à l’embauche ferment l’accès du marché du travail aux personnes autistes, par ailleurs souvent victimes de mauvaises pratiques professionnelles. Différentes mesures peuvent être mises en place pour résoudre ces difficultés, notamment l’accompagnement à l’emploi, et l’adaptation des conditions de travail en termes de sensorialité et d’horaires. Certaines entreprises pratiquent une discrimination positive, notamment dans l’informatique, domaine dans lequel les personnes autistes dites « à haut niveau de fonctionnement » sont considérées comme un atout en termes de compétitivité.
Sommaire
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Histoire[modifier | modifier le code]
La problématique de l’emploi est très récente au sein des débats sociétaux relatifs à l’autisme1. Les personnes diagnostiquées avec un autisme infantile ont longtemps été tenues pour incapables de travailler1. Leo Kanner, le pédopsychiatre découvreur de l’autisme infantile, suit l’évolution des onze enfants (généralement issus de milieux favorisés) qu’il a diagnostiqués pour la publication de son étude princeps de 19432. Plusieurs ont décroché un emploi correct (en particulier le « patient 0 », Donald Grey Triplett), tandis que les personnes placées en institution étaient peu ou pas autonomes à l’âge adulte2. La première étude du devenir socio-professionnel identifiée date de 1970, sur la base d’un suivi sur cinq à quinze ans de personnes diagnostiquées à l’époque avec une psychose infantile3,1.
Jusque dans les années 1990, le pronostic à l’âge adulte était généralement très pauvre, les trois-quarts des autistes environ étant placés en institution, ou dépendants de leurs parents1. Durant la même période, l’autisme fait l’objet de nouveaux descriptifs, avec des critères diagnostiques plus larges et une meilleure détection, plus précoce. Ces évolutions conduisent à une augmentation des diagnostics, l’autisme concernant environ 1 % de la population mondiale (en 2016), avec différents degrés de handicap4.
La psychiatre américaine (PhD) Dawn Hendricks publie en 2010 l’article Employment and adults with autism spectrum disorders: Challenges and strategies for success (en français : Emploi et adultes avec troubles du spectre de l’autisme : Challenges et stratégies de réussite). Soulignant un très faible taux d’emploi et le désir qu’ont les adultes autistes de travailler5, elle plaide pour que l’option d’un accompagnement vers l’emploi puisse être proposée à tous les autistes6. L’année suivante paraît l’article du chercheur et psychiatre franco-canadien Laurent Mottron dans la revue scientifique Nature, Changing perceptions: The power of autism (en français : changer les perceptions : le pouvoir de l’autisme)7. Témoignant de son expérience de travail avec des chercheurs autistes, dont Michelle Dawson, parmi son équipe de l’université de Montréal, il souhaite que davantage d’autistes soient engagés parmi des équipes de recherche88 :
« […] Ils sont là grâce à leurs qualités intellectuelles et personnelles. Je crois qu’ils contribuent à la science grâce à leur autisme, et non malgré lui. Tout le monde connaît des histoires d’autistes avec des capacités savantes extraordinaires, tels que Stephen Wiltshire, qui peut dessiner exquisement des paysages urbains détaillés de mémoire après un tour en hélicoptère. Aucun des membres de mon labo n’est un savant. Ce sont des autistes « ordinaires » […]. »
— Laurent Mottron, Changing perceptions: The power of autism8
À partir de la fin des années 2000, divers plans d’embauches de personnes autistes sont lancés, non sur la base d’une action médico-sociale, mais sur celle d’un intérêt pour leurs compétences dans des tâches spécifiques9,10. En 2012, deux agents du Mossad lancent le projet Ro’im Rachok, unité de renseignement de l’Armée de défense d’Israël, qui recrute spécifiquement des adolescents sur le spectre de l’autisme pour analyser des photographies aériennes et satellitaires11.
En Allemagne, au Danemark, aux États-Unis et en Inde, des entreprises du secteur informatique pratiquent une discrimination positive9. En 2008, le projet AQA (Asperger Quality Assurance) est lancé dans la banlieue de Tel-Aviv, en vue de permettre l’inclusion professionnelle d’adultes autistes performants dans le domaine du test de logiciels, visant des postes de qualité dans des entreprises multinationales12. L’entreprise de test et conseil logiciel Specialisterne (en), présente dans 16 pays et dont le siège est au Danemark, a été fondée par un père d’enfant autiste, et emploie 70 % de travailleurs autistes sur des postes adaptés13,14. En 2013, l’entreprise allemande éditrice de logiciels SAP annonce rechercher 650 autistes pour son secteur recherche et développement, jusqu’à arriver à un taux d’1 % de salariés autistes10. En 2015, l’entreprise Microsoft annonce le lancement d’un programme pour embaucher des collaborateurs autistes à temps plein, à son siège de Redmond15. L’autisme est généralement considéré comme un atout par les employeurs de la Silicon Valley16,17.
En France, depuis 2014, le groupe Andros, soutenu par la Fondation Orange, accueille des salariés autistes dans son usine normande18. La plupart sont non-verbaux, et travaillent à mi-temps19.
En février 2017, le premier rapport français consacré à l’emploi des adultes autistes est remis par le Dr en philosophie et sociologie (EHESS) Josef Schovanec, lui-même autiste, précisant qu’« en France, le chantier de l’emploi des personnes autistes n’en est de toute évidence qu’à ses premiers balbutiements »20. Au Royaume-Uni, la National Autistic Society (NAS) remet le une pétition au gouvernement britannique, signée par 30 000 personnes, demandant que l’emploi des adultes autistes devienne une priorité21.
Statistiques[modifier | modifier le code]
Deux phénomènes créent des biais de sélection dans les statistiques. Des personnes en emploi ignorent qu’elles sont autistes, en particulier chez les femmes22. D’autres disposent d’un diagnostic, mais refusent de le communiquer, et/ou cachent leurs particularités de comportement à leurs collègues et employeurs22 (9 % des 99 personnes en emploi interrogées pour une enquête de Malakoff Médéric en 2015 déclarent ne dire à personne qu’elles sont autistes ; seules 26 % en informent leurs supérieurs et collègues)23. Les statistiques des taux d’emploi doivent aussi tenir compte des parcours de vie :
« Toute tentative d’aborder la question de l’emploi des personnes autistes devra prendre en considération le fait que rarissimes sont les personnes autistes ayant eu un parcours de vie linéaire. La norme statistique dominante voire quasiment unique en la matière est l’alternance de phases de plus ou moins grande inclusion, de types divers de précarité, avec de multiples interruptions de parcours et de longues périodes sans solution. »
— Josef Schovanec, Rapport présenté à la Secrétaire d’Etat chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion sur le devenir professionnel des personnes autistes24
Josef Schovanec note que par ailleurs, les « personnes autistes adultes portent les défaillances du système éducatif, de santé et plus généralement d’inclusion qu’elles ont vécues durant leur enfance […] les effets parfois dévastateurs sur la construction de la personne d’années de déscolarisation, d’exclusion médicale et sociale, souvent de grande précarité et de marginalité, quand ce n’est pas de violences »25.
Les niveaux de diplôme des personnes autistes relativement autonomes, qui n’ont pas vécu de longue institutionnalisation, est similaire à celui de la population non-autiste, avec quelques cas d’adultes « surdiplômés »26. Il y a généralement attrait pour les études, mais tendance fréquente à abandonner les filières de formation pour devenir autodidactes en raison d’inadéquations avec les attentes27. Les personnes autistes qui vivent en institution spécialisée sont très faiblement qualifiées en raison de l’absence d’accessibilité des formations26. Dawn Hendricks28 et la professeure de psychologie britannique Patricia Howlin29 estiment que les perspectives pour les jeunes autistes quittant l’école sont très pauvres, par rapport à la population générale comme par rapport aux adultes avec d’autres troubles du développement. Les faibles taux d’emploi au cours de la transition vers l’âge adulte ne montrent aucune amélioration au cours du temps29. Les adultes autistes de tout niveau d’autonomie connaissent des périodes de chômage et du sous-emploi30, sont globalement moins rémunérés que leurs pairs non-autistes30,31, et subissent davantage de discriminations30.
D’après la NAS, au Royaume-Uni, 79 %32 (2009) à 77 % (2017)21 des adultes autistes pensionnés ou au chômage déclarent vouloir travailler.
D’après la recension de la littérature scientifique effectuée par les chercheuses Alissa Levy et Adrienne Perry, publiée en 2011, 24 % des autistes en moyenne trouvent un emploi au cours de leur vie, généralement de façon discontinue et/ou à temps partiel33, sur des postes mal payés et peu valorisants29 ; d’après la NAS, ce taux est de 32 % au Royaume-Uni tous types de postes confondus en 2017, dont 16 % à temps plein, un taux relativement stable depuis 200721. D’après Damian Milton (lors de la journée d’étude de la NAS, le ), seules 15 % des personnes d’un échantillon de 2 000 autistes interrogés au Royaume-Uni avaient un emploi rémunéré à temps plein20,34. Dans toute l’Europe, d’après l’estimation du collectif d’associations Autisme Europe, entre 76 et 90 % des personnes avec troubles du spectre de l’autisme sont sans emploi en 201435. Ces statistiques ne sont pas disponibles pour tous les pays. En France (en 2017), il n’existe aucune donnée20,36.
En Amérique du Nord (2011), d’après Laurent Mottron, environ 10 % des autistes ne peuvent pas parler et 90 % n’ont pas d’emploi régulier, 80 % des adultes autistes restant dépendants de leurs parents. Pourtant, seule une minorité d’entre eux ont un trouble neurologique associé qui diminue l’intelligence (par exemple, le syndrome de l’X fragile)7. Aux États-Unis, environ la moitié (53,4 %) des jeunes adultes ayant un trouble du spectre de l’autisme (TSA) ont travaillé après la fin de leurs études (chiffres 2011), ce taux étant le plus faible parmi les groupes de personnes en situation de handicap31. Le taux d’emploi est meilleur pour les personnes ayant des aptitudes sociales et conversationnelles31. Le taux de chômage des personnes autistes diagnostiquées avec déficience intellectuelle est environ 3 fois plus élevé37.
Effet générationnel[modifier | modifier le code]
Les effets de génération sont également importants à prendre en compte pour aborder cette problématique. L’ajournement tardif des classifications nosographiques françaises et les prises en charges inadaptées ont en effet conduit à un sous-diagnostic massif et des accompagnement inadaptés pour plusieurs générations, rejaillissant évidement sur les populations à même de s’orienter vers l’emploi.
Réciproquement toutefois, les évolutions structurelles du marché du travail (de plus en plus compétitif et segmenté, des modes de recrutement et de leurs prérequis (carrières linéaires, recrutement formalisés, multiplication d’intermédiaires, scan informatique par mots-clefs dans les CV, etc.) ont tout aussi bien pu conduire à des effets d’évictions multipliant les difficultés des personnes autistes pour accéder à l’emploi. Les conditions spécifiques ayant permis à certain nombre de personnes autistes à accéder à l’emploi, voire parfois à des parcours professionnels valorisés (possibilité de cooptation, par exemple dans la recherche, poids moindre du parcours antérieur, etc.) sont de plus en plus rarement réunies sur le marché du travail actuel 38. La multiplication des épreuves impliquant des compétences sociales (jusqu’aux évolutions actuellement discutées du baccalauréat accordant plus de place à l’oral et au travail de groupe) constitue autant d’obstacles nouveaux sur le chemin des personnes autistes.
Enfin, la désintermédiation (développement des plateformes d’emploi)qui ouvre de nouvelles modalités d’organisation du travail 39, d’objectivation et de valorisation des compétences, permet d’explorer un certain nombre d’expérimentations plus adaptées aux personnes en situation de handicap 40., et en particulier au profil des personnes autistes.
Accessibilité et intérêts de l’emploi[modifier | modifier le code]
Les autistes adultes ressentent comme les personnes non-autistes les besoins d’être utiles pour la société, et d’expérimenter un sentiment de confort41. Temple Grandin estime qu’obtenir un emploi est extrêmement important en termes de qualité de vie et d’accession à l’indépendance42. Un emploi tend à améliorer la qualité de vie et les performances cognitives, tout en constituant un moyen d’intégration43,29. La nécessité d’un accompagnement à l’emploi résulte principalement de l’attitude du secteur de la formation et de l’emploi vis-à-vis de l’autisme41.
Il n’existe généralement aucune obligation légale de mentionner un diagnostic d’autisme sur un curriculum vitae (CV)44. Les compensations financières accordées aux personnes en situation de handicap, selon les règles du pays concerné et le type d’allocations, peuvent exiger de ne pas dépasser un plafond de ressources45 : un certain nombre d’adultes autistes exercent à ce titre des emplois bénévoles46.
En octobre 2015, la chercheuse australienne Melissa Scott et son équipe publient dans PLOS ONE une étude sur 40 adultes autistes dans le cadre de leur travail, et 35 employeurs : la majorité des adultes autistes sont d’après eux capables d’avoir un emploi47. Ces emplois peuvent être exercés en milieu ordinaire ou en milieu protégé, en secteur concurrentiel ou non-concurrentiel48,49.
Temple Grandin cite trois caractéristiques communes aux personnes autistes ayant réussi leur carrière professionnelle50 :
- Rencontrer l’opportunité de développer ses points forts, et être soutenu(e) dans cet objectif.
- Être aidé(e) durant l’adolescence et au début de leur vie adulte à travailler ses compétences sociales, et notamment à comprendre les relations humaines en matière d’emploi.
- Prendre des médicaments ou adapter ses habitudes alimentaires et sportives pour gérer les problèmes sensoriels, et les troubles associés, entre autres la dépression et l’anxiété.
Avantages sélectifs[modifier | modifier le code]
Les compétences potentielles des adultes autistes sont le plus souvent ignorées du monde professionnel51, ce alors qu’elles sont précieuses sur le marché du travail47. Il existe de nombreuses preuves des contributions passées ou actuelles que des adultes autistes ont apportées à l’économie, mais ces contributions sont peu visibles, car généralement effectuées dans la discrétion et l’anonymat51. La situation de handicap des adultes autistes s’accompagne d’avantages sélectifs dans la réalisation de tâches spécifiques, notamment celles mettant en oeuvre des aptitudes visuelles, ce qui se traduit par un rendement plus élevé52. Un « ample niveau de preuves » scientifiques démontrent le bénéfice potentiel qu’auraient les entreprises à embaucher des autistes sur des tâches mobilisant leurs points forts28,53. Le Dr en éducation Stephen M. Shore met en avant la tendance aux routines comme un avantage se traduisant par un meilleur respect des horaires, et un moindre absentéisme pour cause de maladie52 : quelques études soulignent cet absentéisme moins fréquent parmi la population autiste, ainsi qu’une tendance générale des employeurs à reconnaître des qualités de confiance et de fiabilité chez leurs collaborateurs autistes, en particulier sur des tâches mettant en oeuvre un haut niveau de concentration et de la répétitivité28. Les situations de solitude et d’isolation sociale ne sont généralement pas vécues comme étant pénibles chez les adultes autistes, au contraire de leurs pairs non-autistes28. L’absence d’intérêt pour la socialisation peut aussi constituer un avantage au sein d’une entreprise, le travailleur autiste ne perdent pas de temps de travail à socialiser avec ses collègues52.
Conditions de réussite[modifier | modifier le code]
Temple Grandin54 et Stephen M. Shore46 soulignent l’importance de maintenir un lien entre le centre d’intérêt et le domaine d’emploi, et estiment que les personnes autistes devraient avoir l’opportunité d’un emploi dans ce centre d’intérêt42. Josef Schovanec nuance cette observation, citant des personnes autistes n’ayant pas de centre d’intérêt apparent, ou changeant d’intérêt au cours de leur vie55. Les centres d’intérêts peuvent être variés, les connaissances y sont acquises le plus souvent en autodidacte27. L’informatique et l’apprentissage des langues constituent deux centres d’intérêts fréquents chez les adultes autonomes, auxquels s’ajoutent une grande diversité d’activités dans des domaines tels que la psychologie, la musique, la comptabilité, le dessin, la géographie, le droit, la photographie, la cuisine27, ou encore les mathématiques56.
Comme le soulignent Dominique Donnet-Kamel et Patrick Chambres, pour l’Association pour la recherche sur l’autisme et la prévention des inadaptations (ARAPI), les postes en télétravail présentent de nombreux avantages au regard des particularités des personnes autistes (cadre connu, choix des horaires, réduction de la pression sociale, alternance entre travail à domicile et en entreprise), et devraient être amenés à se développer57,58. Le secteur associatif social et solidaire constitue aussi un domaine privilégié d’intégration à l’emploi59. Le compagnonnage peut être adapté, mais pose souvent le problème de la vie en collectivité60. Il existe enfin des cas notables de carrières fructueuses ayant suivi un éloignement géographique du lieu d’origine de la personne61.
Domaines d’activité[modifier | modifier le code]
L’idée selon laquelle seule une gamme restreinte de métiers serait possible pour les personnes autistes constitue un préjugé répandu62. Les emplois qui peuvent être exercés sont variés63, depuis les postes « de base » jusqu’aux postes très techniques64,49. Il existe de nombreuses opportunités de carrière, y compris dans des métiers en indépendant, bien que ces derniers conviennent plus spécifiquement aux personnes autistes les plus autonomes65. Des facteurs culturels créent des différences dans l’exercices de métiers en fonction des pays. La bourse et la comptabilité comptent notoirement des autistes dans le monde anglo-saxon, ce qui n’est pas le cas en France66. Des représentations erronées associées à certains métiers, tel celui de diplomate, entretiennent l’idée selon laquelle des carrières seraient inaccessibles aux personnes autistes66. L’emploi idéal se situe dans un domaine nécessitant peu de compétences sociales, accordant un temps d’apprentissage, et impliquant un nombre réduit de stimulations sensorielles67.
Les métiers de l’informatique font l’objet d’un engouement et de mesures d’embauche, ce qui a diffusé l’idée fausse selon laquelle ce secteur conviendrait à toutes les personnes autistes68. D’après Josef Schovanec, la plupart des autistes ne s’intéressent pas à l’informatique, ou peinent à en tirer des revenus lorsque cela constitue leur centre d’intérêt68. Ce secteur est le mieux couvert en termes de solutions proposées aux adultes autistes, et ce dans une variété de pays développés68,69, malgré son inadéquation avec les souhaits de carrière exprimés56.
Le secteur de l’armée entretien une longue tradition d’accueil de profils atypiques ; le projet Ro’im Rachok (2013 -) a joué un rôle pionnier dans l’inclusion professionnelle en Israël70. Il est possible que certains programmes passés de l’Armée Rouge aient été conduits avec des autistes, bien que cela reste spéculatif70. L’hôtellerie–restauration constitue également un secteur ouvert aux profils atypiques71. Les métiers de la traduction-rédaction, souvent demandés56, sont adaptés aux adultes autistes de par le travail souvent solitaire et hautement technique qui est demandé, et la souplesse dans les horaires72. Les métiers de la nature, des végétaux et des animaux (horticulture, secteur équestre…) font partie des centres d’intérêts fréquents73. Les métiers de l’art et de l’artisanat, qui « ont pour point commun d’exiger une haute précision des gestes, une grande patience lors d’un travail souvent solitaire », attirent eux aussi une proportion importante d’autistes, sans pour autant nécessiter « de compétences sociales ou verbales poussées »73. Il en est de même pour les métiers de la mécanique74. Une part importante d’autistes souhaitent travailler dans les bibliothèques, mais cette volonté est rarement en phase avec la réalité du métier et le nombre de postes disponibles75. Il existe des opportunités de carrière dans le secteur de l’autisme lui-même, tant en France que dans le monde anglo-saxon, entre autres pour assurer la représentativité des personnes autistes auprès des pouvoirs publics76. Les métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche constituent parfois la seule piste professionnelle de certains adultes autistes hautement qualifiés77. Enfin, des métiers et choix de vie solitaires ont historiquement constitué des refuges, tels que ceux de berger, le monachisme78, et l’ascétisme, s’agissant d’un mode de vie sans contacts sociaux, incluant de nombreuses routines79.
Explications des difficultés[modifier | modifier le code]
Les difficultés rencontrées par les personnes autistes sur le marché du travail ont des explications multiples80, liées entre autres à leurs difficultés de communication et d’interactions sociales avec les employeurs et collègues81, à leurs hypersensibilités sensorielles35,46, mais aussi à la méconnaissance de l’autisme de la part des employeurs potentiels, qui tendent à se focaliser sur les « déficits » de la personne sans voir ses points forts63. D’après Temple Grandin et la militante américaine Rudy Simone, la plus grosse difficulté rencontrée n’est pas l’apprentissage de l’emploi lui-même, mais la gestion des particularités dues aux troubles du spectre de l’autisme (TSA)50, incluant des obsessions, stéréotypies et rituels, difficultés motrices (apraxie), et autres troubles associés82,83, dont les difficultés de planifications des tâches dues au fonctionnement de la mémoire de travail dans l’autisme30, ainsi que la possibilité d’une dépression ou d’un trouble bipolaire30.
Le refus fréquent des adultes autistes de communiquer à propos de leur autisme sur leur lieu de travail entraîne absence de mesures d’accompagnement et de sensibilisation, ainsi que des erreurs d’interprétation de leur comportement, aboutissant à des échecs d’intégration84. Le profil des adultes autistes est souvent déstabilisant pour leurs collègues et employeurs30. L’association populaire entre autisme et enfance retarde la prise en compte du phénomène : « l’emploi et la vie adulte ne font traditionnellement pas partie de la vision de l’autisme et donc ne sauraient représenter des priorités »85. En France, cela se traduit (2017) par l’absence presque totale de médiatisation86.
L’argument couramment utilisé pour justifier le sous-emploi des personnes handicapées, le manque de compétences, ne s’applique pas toujours pour ce qui concerne l’emploi des personnes autistes87. Les cursus suivis par les personnes autistes sont souvent basés sur leurs centres d’intérêts, peu compatibles avec la réalité du marché du travail88. Les résultats de l’étude de Scott et de son équipe (2015) montrent que, bien que les deux groupes semblent engagés dans le processus de l’emploi, il existe une différence dans la compréhension en ce qui concerne le type de soutien requis sur le lieu de travail, les attentes et les exigences de productivité entravant la réussite de la personne autiste dans l’emploi89. D’après les auteurs, « ces résultats mettent en évidence la nécessité de faciliter la communication entre les employés et les employeurs pour assurer une compréhension claire des besoins des deux groupes »89.
Barrage à l’entretien d’embauche[modifier | modifier le code]
L’entretien d’embauche est cité pour probablement être « la partie la plus difficile de la recherche d’emploi pour les personnes avec autisme »90. D’après l’enquête Malakoff Médéric, il « apparaît comme une barrière très discriminante pour une personne autiste qui joue mal la comédie sociale attachée à ce rite de passage. Elle échoue aux tests psychologiques dont elle ne déjoue que rarement les pièges »91. Le rejet de l’entretien d’embauche est quasi-unanime parmi les adultes autistes92. De plus, il y a fréquemment méconnaissance de l’autisme parmi la direction des ressources humaines, par exemple par confusion avec la schizophrénie93.
D’après Josef Schovanec, l’épreuve est rendue difficile, sinon impossible à réussir, en premier lieu car le jugement s’effectue non pas sur les compétences pour le poste, mais sur le respect des codes sociaux (politesse, habillement, coiffure…), constituant un point de difficulté commun à tous les autistes94,87. Il témoigne lui-même n’avoir réussi aucun de ses entretiens d’embauche87. De fait, dans la majorité des pays, les adultes autistes qui accèdent aux postes qui les intéressent y parviennent par cooptation, sans passer d’entretien d’embauche95.
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L’un des défis majeurs posés par les TSA réside dans la gestion des compétences sociales, des amitiés, des difficultés de communication (notamment pour tenir et gérer des conversations), et des difficultés à deviner les désirs et pensées des autres (théorie de l’esprit)82,83. Une personne autiste peut involontairement passer pour très malpolie vis-à-vis de ses collègues, bien qu’elle n’aie aucune intention de l’être96. La gestion de la hiérarchie au travail pose souvent problème97. Environ 80 % des adultes autistes interrogés pour l’enquête Malakoff Médéric déclarent ne pas se sentir à l’aise dans un groupe84.
Une promotion de poste peut être non-souhaitée98 et néfaste, car cela inclut souvent la nécessité d’encadrer ou de gérer des groupes de travail, compétences qui font notoirement partie des points faibles des travailleurs autistes99 ; les pires cas entraînant une tentative de suicide après une promotion induisant un changement de type d’activités du travailleur autiste100. L’évolution de certains secteurs économiques s’est effectuée à leur détriment, entre autres dans l’informatique, qui exige de plus en plus de compétences sociales101. Les chargés de recrutement sont souvent surpris par le profil des personnes autistes fortement diplômées, puisque les attentes des entreprises portent aussi sur de bonnes aptitudes sociales et managériales88.
Sandrine Gille, une femme diagnostiquée avec un syndrome d’Asperger et un haut potentiel intellectuel à l’âge adulte, témoigne de ses difficultés dans l’emploi en insistant sur les stratégies de compensation et d’imitation mises en place : « Ce qui semblait si naturel, allant de soi, dans le mode de communication entre collègues, hiérarchie, et autres subtilités sociales, m’apparaissait comme un univers entier à décoder et travailler, une forme de mimétisme à mettre en place pour pouvoir sembler « être la plus naturelle possible » et ne pas me mettre en danger ». Elle insiste également sur l’acceptation du monde professionnel : « accepter qu’une personne qui se présente avec un trouble envahissant du développement, puisse s’avérer être un excellent collaborateur, si on prend le temps de le comprendre et de l’accepter comme il est »102.
Dysrégulation émotionnelle[modifier | modifier le code]
Des difficultés de gestion d’émotions telles que la colère, l’anxiété et la dépression sont fréquemment liées à l’autisme82,83,30. Le stress au travail est très fréquent30, la quasi-totalité des travailleurs autistes témoignant en expérimenter et être facilement placés dans ces situations de stress, notamment par les imprévus103. La sociabilisation avec les pairs neurotypiques est également source de stress30. Un problème de retard des transports en commun peut déclencher une crise de panique, ou une absence sur le lieu de travail103. Le stress au travail est également connu pour générer des automutilations103.
La sensibilité aux imprévus se traduit souvent par des réactions vives en cas d’interruption durant une tâche qui requiert de la concentration, chez environ la moitié des travailleurs autistes91. Par ailleurs, la moitié des travailleurs autistes également témoignent avoir expérimenté au moins un burn-out91.
Troubles sensoriels[modifier | modifier le code]
D’après la professeure Temple Grandin, la plupart des personnes autistes qui rencontrent de gros problèmes d’emploi à l’âge adulte souffrent spécifiquement d’hypersensibilités sensorielles64. L’enquête de la Fondation Malakoff Médéric souligne (2015) que « les aspects sensoriels sont essentiels à prendre en compte pour la réussite et la pérennité d’une inclusion dans l’emploi »104 : les trois quarts des 99 travailleurs autistes interrogés déclarent avoir des hypersensibilités aux bruits, aux odeurs, au goût ou au toucher105. Les personnes autistes peuvent aussi être dérangées par certaines perceptions visuelles106. Ces hypersensibilités génèrent une importante fatigue au travail102, notamment en raison des efforts d’adaptation fournis107. Ainsi, l’essentiel des travailleurs autistes déclarent ne pouvoir travailler correctement dans un aménagement en open space, en raison notamment du bruit ambiant dans ces espaces de travail, et souhaitent un bureau individuel92.
Certaines personnes avec autisme ont à l’inverse des hyposensibilités, associées à des comportements d’autorégulation, ou présentent à la fois hyper- et hyposensibilités, ce qui peut se traduire, chez une même personne, par un refus de contacts tactiles et un besoin de mouvements physiques103.
Motivation et différences de perception de la pénibilité[modifier | modifier le code]
Il y a souvent négligence des souhaits et aspirations des adultes autistes, en raison du faible nombre de postes accessibles62. Les préférences et attentes des personnes autistes au travail peuvent être radicalement différentes de celles des personnes non-autistes. Dans la population générale, les facteurs de motivation au travail reposent sur le salaire et les primes, la perspective d’une promotion appuyée sur la symbolique du pouvoir, et des avantages sociaux en termes de loisirs et de rencontres festives100. Il arrive qu’aucun de ces facteurs de motivation ne fonctionne chez une personne autiste, débouchant sur son licenciement100. Les profils autistes sont en général peu attirés par les postes à responsabilités ou de pouvoir108.
La pénibilité au travail peut être vécue différemment de chez les pairs non-autistes : en France, le travail de nuit et le travail répétitif, qui entrent dans la définition légale de la pénibilité, peuvent être vécus comme des situations moins pénibles pour un travailleur autiste que d’autres situations n’entrant pas dans cette définition, telles que l’imprévisibilité dans l’emploi et l’évolution dans un milieu socialement chargé109. Les adultes autistes préfèrent généralement des emplois incluant une certaine routine au travail41,52.
Discriminations et injustices dans l’emploi[modifier | modifier le code]
D’après l’association Autisme Europe, la stigmatisation et la discrimination représentent les plus grosses difficultés à surmonter35. D’après Laurent Mottron, les employeurs affectent souvent aux autistes des tâches subalternes et répétitives, sans réaliser de quoi ces personnes sont capables7. La fondation Malakoff Médéric note que :
« L’emploi des personnes porteuses d’un handicap cognitif […] est jusqu’à présent focalisé sur des activités particulièrement peu reconnues, répétitives, avec un potentiel économique faible, et sans perspective d’évolution personnelle ou professionnelle. Souvent, le choix de l’activité en question est le fait de l’institution et non pas des envies de la personne, encore moins des besoins de l’économie en général. Les effets délétères à long terme en sont connus : démotivation, nécessité de lourdes subventions et de dérogations au droit du travail pour maintenir l’activité à flot, impossibilité de s’épanouir sur le plan personnel »
— Rapport de la fondation Malakoff Médéric105
Temple Grandin note que les personnes autistes exerçant sur des postes peu qualifiés sont plus susceptibles d’être victimes de discriminations et de souffrance au travail que celle qui accèdent à des postes plus valorisants, car une certaine excentricité est tolérée chez des personnes considérées comme talentueuses110. Ces dernières peuvent toutefois susciter la jalousie de leurs collègues99. Les problèmes sociaux rencontrés au travail sont très fréquents41. Rudy Simone témoigne avoir exercé de nombreux « petits boulots » à temps partiel, conduisant à une situation difficile en termes d’estime d’elle-même, de finances, de relations et de santé111.
D’après les données de la NAS publiées en 2016, 43 % des personnes autistes britanniques qui connaissent ou ont connu une situation d’emploi déclarent avoir perdu un poste en raison de discriminations liées à leur autisme112. Elles sont 81 % à déclarer avoir subi du harcèlement, des injustices ou un manque de soutien sur leur lieu de travail112. En Italie, la loi prévoit que les personnes handicapées puissent accéder à l’emploi, mais dans les faits, l’absence de postes protégés rend toute intégration très difficile, sinon impossible113 : « Et, si l’un d’entre eux, doué de meilleures compétences en matière de communication et de relation, parvient à terminer ses études, à obtenir un diplôme ou une licence, il ne trouve pas de travail durable parce que personne ne se donnera la peine de reconnaître ses caractéristiques et d’apporter, éventuellement, une petite modification – d’horaire ou de cadre de travail – qui rende la vie moins difficile à une personne aussi fragile sur le plan de l’interaction »113.
Généralement, les employeurs et les directeurs des ressources humaines ne reconnaissent pas qu’ils pratiquent une forme de discrimination lorsqu’ils jugent des personnes autistes sur leurs compétences sociales, et justifient leur non-emploi par la lourdeur de leur handicap114. Au Royaume-Uni, en cas de soupçon de discrimination, il convient de demander précisément les raisons du refus ou de la perte d’un emploi. En cas de procès, un juge pourra évaluer si ces raisons sont valables pour le poste en question, ou si le traitement de la personne autiste relève d’une discrimination114. Josef Schovanec soulève le problème de la très faible estime d’elles-mêmes qu’ont souvent les personnes autistes confrontées aux milieux professionnels115. Il identifie par ailleurs deux âges de la vie adulte « particulièrement dignes d’attention » : les premières années à l’issue de l’adolescence, associées à une phase de flottement ; puis un phénomène de résignation constaté à partir d’un certain âge, auquel seraient enclines « les personnes particulièrement douées dont les talents n’ont aucunement été pris en compte »24.
Refus d’adaptation du poste[modifier | modifier le code]
L’acceptation de mesures d’accessibilité du lieu de travail par l’employeur est rare116. Il y a souvent refus d’adaptations spécifiques aux personnes autistes, telles qu’un bureau individuel plutôt qu’un aménagement en open space, la demande pour garder les portes des bureaux fermées, ou celle de ne pas travailler à proximité d’un ascenseur, au motif que « tout le monde doit faire un effort »117. Par ailleurs, la fatigabilité des personnes autistes sur un lieu de travail inadapté à leur handicap est peu prise en compte118, alors qu’environ 80 % des travailleurs interrogés pour l’enquête Malakoff Médéric disent avoir une fatigabilité plus importante que les personnes non-autistes119. Plus de la moitié des travailleurs autistes interrogés souhaiteraient travailler en horaires décalés, afin d’éviter la présence d’un grand nombre de collègues et l’affluence dans les transports en commun119.
Un problème fréquent est celui du relâchement progressif des efforts d’intégration après l’embauche, ou de la considération selon laquelle la personne autiste capable de compenser son handicap au travail n’a pas besoin d’adaptations sur la durée117.
La mise en accessibilité à la clientèle autiste de la part des professionnels (coiffure, apprentissage de la conduite automobile, grande distribution en général) est presque totalement absente en France, alors que cette accessibilité est mise en oeuvre dans le monde anglo-saxon, entre autres par la tenue d’horaires d’ouverture sans surcharges sensorielles dans les grandes surfaces120.
Non-rémunération ou exploitation[modifier | modifier le code]
Des témoignages d’exploitation de travailleurs autistes par des collègues ou employeurs malintentionnés ont été recensés, cela étant rendu possible par leur fréquente naïveté en matière de relations humaines, particulièrement durant les premières années de la vie adulte41.
Un certain nombre d’entreprises ne rémunèrent pas le travail fourni par les autistes, sans leur donner d’explications, en particulier les pigistes121. Le rapport de Josef Schovanec (2017) donne une estimation d’environ un tiers de travaux non-rémunérés, au mépris des obligations légales, les personnes autistes étant notoirement réticentes à porter plainte ou à menacer les entreprises en question121. Il témoigne avoir été lui-même victime de mauvaises pratiques au début de sa vie d’adulte, telles que la non-rémunération de ses traductions après que celles-ci ont été effectuées87.
Croyances associées à un degré d’autisme supposé[modifier | modifier le code]
Bien qu’il existe une grande diversité de profils parmi les personnes autistes, la présence d’une déficience intellectuelle est beaucoup plus rare que les employeurs ne se l’imaginent7,122. Dans les faits, l’absence de maîtrise du langage compromet sévèrement les chances de succès professionnel122.
Josef Schovanec souligne l’existence d’un « mythe de l’autiste lourd », entretenant la croyance en « un lien entre le prétendu degré d’autisme et les troubles du comportement »123, citant en exemple l’expérience de recrutement du groupe Andros, concernant principalement des autistes non-verbaux19 qui ont été qualifiés d’« Asperger » dès lors qu’ils étaient en poste123. Les employeurs potentiels ont en effet tendance à ne demander que des profils « Asperger », alors qu’aucune recherche ne démontre de relation entre cette ancienne catégorie médicale et une plus grande compétence professionnelle123.
Plus l’autisme de la personne est donc considéré comme « léger » vu de l’extérieur, plus grandes sont ses chances d’obtenir un emploi gratifiant122. Ces derniers concernent le plus souvent de facto des personnes diagnostiquées avec un syndrome d’Asperger ou un autisme à haut niveau de fonctionnement83.
Mesures[modifier | modifier le code]
D’après Dawn Hendricks (2010), le succès d’une intégration réussie en entreprise repose à la fois sur des efforts d’apprentissage de la part des travailleurs autistes et sur des adaptations de leurs conditions de travail6. Différentes mesures sont expérimentées, prenant en compte des difficultés telles que l’entretien d’embauche, l’autonomie, et l’adaptation du poste de travail. Les employeurs britanniques sont incités à prendre en compte les profils autistes, par exemple en ne demandant pas de compétences de communication si le poste n’en exige pas, et en évitant d’évaluer les candidats sur leurs interactions sociales pendant l’entretien d’embauche, pour favoriser une immersion dans l’emploi124. En Allemagne (2012), il existe un site web pour mettre en relation des employeurs en recherche de compétences ou de profils particuliers, auxquels peuvent répondre des personnes avec autisme13. Josef Schovanec estime que les personnes autistes ont besoin d’un job coaching et d’une formation à la dureté de la vie professionnelle115. Par ailleurs, Temple Grandinsouligne que le soutien offert par ses professeurs et les personnes qui lui ont enseigné des compétences sociales lui fut essentiel64.
Des recherches ont été menées au Royaume-Uni sur le rapport coût-revient de ces mesures : sur une période de 8 ans, un accompagnement à l’emploi des personnes avec autisme dit de haut niveau ou Asperger débouche sur un bénéfice125. L’engagement des États en faveur de l’emploi des adultes autistes revêt donc un intérêt économique, en diminuant le recours aux prestations sociales, et en augmentant les contributions aux taxes126,28. L’inclusivité socio-professionnelle des personnes autistes ne fait le plus souvent l’objet d’aucune mesure, au point que l’existence du problème reste inconnue dans la majorité des pays127.
Accompagnements à l’emploi[modifier | modifier le code]
Pour favoriser les embauches et le maintien des personnes avec un trouble du spectre de l’autisme dans l’emploi, d’après une enquête de la Sécurité sociale suisse (2015), le défi se situe dans la création de mesures d’orientation et de formation professionnelle adaptées à leurs besoins spécifiques. En particulier, l’étude préconise les dispositifs de « job coaching » et le « case management »128. Dawn Hendricks insiste sur la nécessité d’un job placement, c’est à dire d’un ciblage d’emploi situé dans le domaine d’intérêt et de point fort de la personne129.
Cependant, les programmes d’accompagnement à l’emploi ciblent généralement des postes à très basse responsabilités. Il n’existe que peu, voire pas d’initiatives qui viseraient des postes considérés comme plus prestigieux33. Le job coaching se développe, notamment en République tchèque13 et aux États-Unis130, avec des taux de succès allant jusqu’à 90 %13. Ces accompagnements montrent généralement leur efficacité131, en particulier lorsqu’ils visent à augmenter l’autonomie : l’ergothérapie semble très bénéfique132. Le rôle du coach est notamment d’enseigner au salarié autiste comment s’adapter aux règles et à la culture de l’entreprise133. Les entreprises Méticulon au Canada, Auticon en Allemagne, et Asperger Syndrome Training Employment Partnership Entreprise aux États-Unis, font appel à un job coaching avec un référent unique pour le salarié autiste134. Il est également possible de faire appel à un travailleur social, ou à un mentor sur le lieu de travail135.
Il existe cependant de nombreux témoignages faisant état de recours dommageables à des méthodes pseudoscientifiques ou vectrices de dérives sectaires dans le domaine du coaching en entreprise, telles que le tarot divinatoire, la programmation neuro-linguistique et l’analyse transactionnelle136,137. Le , l’ONG Autism Rights Watch a ainsi alerté la MIVILUDES sur le développement du coaching dans le domaine de la santé, et la persistance de théories psychanalytiques non vérifiées ciblant les autistes en France138.
En France en 2015, l’entourage familial et les organismes publics tels que le Pôle emploi et le Cap emploi sont les principaux coachs « de fait » des adultes autistes engagés dans une recherche d’emploi139. Les retours concernant ces deux derniers organismes sont généralement négatifs (2015), particulièrement en ce qui concerne l’obligation de rendez-vous réguliers, qui génère stress et ruptures de droits140. Les retours concernant les systèmes parallèles spécialisés dans l’autisme, tant en France qu’en Angleterre et en Israël, sont plus positifs140. En Inde, les personnes autistes bénéficient de mesures d’accompagnement à l’emploi dans le secteur du handicap140.
L’intégration de personnes autistes à un poste peut s’appuyer sur la gestion des ressources humaines, dont le rôle a beaucoup évolué pour accompagner le développement personnel des salariés141. Le point majeur consiste à travailler sur les compétences sociales. Temple Grandin insiste sur la nécessité d’apprendre aux personnes autistes à ne pas critiquer leurs collègues et supérieurs, et à travailler sur leurs capacités d’organisation142. Elle estime également qu’il est important de sensibiliser les collègues et les supérieurs aux difficultés sociales des personnes autistes65.
Adaptation des conditions de travail[modifier | modifier le code]
D’après Temple Grandin, adapter un poste de travail aux personnes avec hypersensibilités sensorielles ne demande le plus souvent que peu d’aménagements143. Il est possible d’utiliser un casque antibruits, de supprimer les sonneries stridentes144 et les lampes néon145, ou encore de faire appel à davantage de communication écrite144 ; une demande d’adaptation fréquente est en effet la communication par e-mails plutôt que par téléphone146. La fondation Malakoff Médéric cite la sensibilisation des équipes, l’adaptation des horaires de travail et la prise en compte des aspects sensoriels comme trois éléments nécessaires à une intégration réussie147. Pour les sensibilités visuelles, les lunettes à verres teintés semblent efficaces145. Les aspects sensoriels sont pris en compte dans certains pays (tels que le Danemark, où Specialisterne (en) place les informaticiens autistes dans des bureaux individuels avec adaptation de la luminosité) mais non dans d’autres, notamment la France147. Aux États-Unis, il existe de nombreux objets en vente, destinés spécifiquement à aider la gestion de la sensorialité, tels que des blousons exerçant une pression modulable sur certaines parties du corps103. La compréhension mutuelle est plus simple si les tâches demandées sont prédictibles, structurées, et clairement définies6. L’usage de supports visuel peut être très bénéfique6.
Pour gérer l’anxiété, diverses solutions (relaxation, médicaments) sont possibles148. L’anxiété et les hypersensibilités sont souvent liés149. La gestion des émotions peut représenter un défi, particulièrement celle des colères150. Par ailleurs, beaucoup de difficultés dans l’emploi sont résolues grâce à une bonne qualité de sommeil118.
Un certain nombre d’aménagements de poste sont bénéfiques à d’autres situations de handicap que l’autisme, en particulier l’accueil de chiens d’assistance, qui concerne aussi le handicap visuel151. Les adaptations de conditions de travail peuvent avoir un intérêt bilatéral positif. Ainsi, certaines personnes autistes préfèrent, au contraire de la majorité des non-autistes, travailler la nuit, et sont alors plus productives117.
Dans la culture[modifier | modifier le code]
Les initiatives d’embauche ciblant spécifiquement des autistes, très récentes, suscitent généralement enthousiasme et adhésion spontanée152. Elles ont fait l’objet d’une certaine médiatisation, créant un biais perceptif et une croyance selon laquelle la question de l’emploi autiste serait déjà résolue152.
Les séries coréenne Good Doctor (2013) et américaine The Good Doctor (2017) mettent en scène un chirurgien autiste (avec un syndrome du savant) qui fait face à la stigmatisation et aux préjugés dans son milieu professionnel153.
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Annexes[modifier | modifier le code]
Articles connexes[modifier | modifier le code]
Lien externe[modifier | modifier le code]
Bibliographie[modifier | modifier le code]
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Articles de recherche[modifier | modifier le code]
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- [Levy et Perry 2011] (en) Alissa Levy et Adrienne Perry, « Outcomes in adolescents and adults with autism: A review of the literature », Research in Autism Spectrum Disorders, vol. 5, , p. 1271–1282 (DOI 10.1016/j.rasd.2011.01.023, lire en ligne [archive])
- [Mottron 2011] (en) Laurent Mottron, « Changing perceptions: The power of autism », Nature, vol. 479, , p. 33–35 (ISSN 0028-0836, DOI 10.1038/479033a, lire en ligne [archive])
- [Schovanec 2012a] Josef Schovanec, « Scolarisation et devenir socio-professionnel des personnes avec autisme », dans Scolariser des élèves avec autisme et TED – Vers l’inclusion, Dunod, coll. « Psychologie et pédagogie », 2012, 352 p. (ISBN 9782100575336, DOI 10.3917/dunod.phili.2012.01.0013, lire en ligne [archive])
- [Scott et al. 2015] (en) Melissa Scott, Marita Falkmer, Sonya Girdler et Torbjörn Falkmer, « Viewpoints on Factors for Successful Employment for Adults with Autism Spectrum Disorder », PLOS ONE, vol. 10, , e0139281 (ISSN 1932-6203, PMID 26462234, PMCID 4603894, DOI 10.1371/journal.pone.0139281, lire en ligne [archive])
- [Shattuck et al. 2012] (en) P. T. Shattuck, S. C. Narendorf, B. Cooper, P. R. Sterzing, M. Wagner et J. L. Taylor, « Postsecondary Education and Employment Among Youth With an Autism Spectrum Disorder », Pediatrics, vol. 129, , p. 1042-1049 (ISSN 0031-4005, lire en ligne [archive])
Essais[modifier | modifier le code]
- [Baker 2006] (en) Jed Baker, Preparing for Life: The Complete Guide for Transitioning to Adulthood for Those with Autism and Asperger’s Syndrome, Future Horizons Publishing,
- [Bernick et Holden 2015] (en) Michael Bernick et Richard Holden, The Autism Job Club: The Neurodiverse Workforce in the New Normal of Employment, Skyhorse Publishing, Inc., , 256 p. (ISBN 9781632209979)
- [Datlow Smith, Belcher et Juhrs 1995] (en) Marcia Datlow Smith, Ronald G. Belcher et Patricia D. Juhrs, A Guide to Successful Employment for Individuals with Autism, P.H. Brookes, , 2e éd., 305 p. (ISBN 9781557661715)
- [Graham 2008] (en) James Graham, Autism, Discrimination and the Law: A Quick Guide for Parents, Educators and Employers, Jessica Kingsley Publishers, , 144 p.(ISBN 9781846427688).
- [Grandin et Duffy 2008] (en) Temple Grandin et Kate Duffy, Developing talents: Careers for individuals with Asperger syndrome and high-functioning autism, Autism Asperger Publishing Company, , 2e éd., 185 p. (ISBN 978-1934575284).
- [Hendrickx 2009] (en) Sarah Hendrickx, Asperger Syndrome and Employment: What People with Asperger Syndrome Really Really Want, Jessica Kingsley Publishers, , 152 p. (ISBN 9781846428791)
- [Jeanmichel 2018] Philippe Jeanmichel, Autistes Asperger, la clé de votre recherche d’emploi en 120 conseils, À la fabrique, (ISBN 9782955103678, présentation en ligne [archive])
- [Shore et Rastelli 2015] (en) Stephen M. Shore et Linda G. Rastelli (trad. Josef Schovanec et Caroline Glorion), Comprendre l’autisme pour les nuls, Éditions First, , 384 p. (ISBN 2-7540-6581-4).
- [Simone 2010] (en) Rudy Simone, Asperger’s on the Job: Must-Have Advice for People with Asperger’s or High Functioning Autism and their Employers, Educators, and Advocates, Future Horizons, , 200 p. (ISBN 978-1935274094).
- [Smith, Belcher et Juhrs 1995] (en) M. Smith, R. G. Belcher et P.D. Juhrs, A Guide to Successful Employment for Individuals with Autism, Paul H, Brookes Publishing,
- [Wehman, Datlow Smith et Schall 2008] (en) Paul Wehman, Marcia Datlow Smith et Carol Schall, Autism & the Transition to Adulthood: Success Beyond the Classroom, Paul H Brookes Publishing Company,
Rapport officiel[modifier | modifier le code]
- [Schovanec 2017] Josef Schovanec, « Rapport présenté à la Secrétaire d’Etat chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion sur le devenir professionnel des personnes autistes » [archive], Ministère des affaires sociales et de la santé,
Autres études[modifier | modifier le code]
- [Malakoff 2015] « Accès à l’emploi des personnes porteuses du syndrome d’Asperger et autistes de haut niveau » [archive], Fondation Malakoff Médéric handicap,
Témoignages[modifier | modifier le code]
- [Schovanec 2012b] Josef Schovanec et Caroline Glorion, Je suis à l’Est ! : Savant et autiste, un témoignage unique, Plon, , 256 p. (ISBN 2-259-21886-5, lire en ligne [archive]).
- [Smith 2014] (de) Peter Schmidt, Kein Anschluss unter diesem Kollegen: Ein Autist im Job, Patmos Verlag, , 230 p. (ISBN 9783843605182)
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