« Vivre et Agir le Non-Autisme » : gestion d’une crise non-autistique [Non-Autistan News]

Cet après-midi, alors que j’étais sorti pour manger une glace, je me suis retrouvé en pleine crise non-autistique.

En effet, ça peut leur prendre, comme ça, on sait pas trop pourquoi ni comment.

Evidemment, au début ça peut paraître effrayant, mais en fait si on sait gérer, le danger est quasiment nul.

Donc il y avait des grappes de Personnes Non Autistes devant les cafés, dans la rue.
Je dirais, au moins une centaine par café en moyenne.
Et dans un carrefour avec au moins 5 ou 6 cafés ou restaurants, ça fait du monde.

Pas dangereux ?
Oui et non, car comme évidemment la foule débordait des trottoirs dans la rue, ça rendait le trafic automobile difficile, et j’ai entendu un bus klaxonner, sans ralentir, d’ailleurs.

Alors, comment ça se passe, une crise de non-autistes ?
Déjà, il faut savoir que les crises peuvent être différentes, selon leurs conventions sociales et leurs intérêts restreints.
Dans le cas présent, ils étaient agités, ils criaient, hurlaient même, gesticulaient, trépignaient parfois…
Au moins la moitié d’entre eux portaient le même vêtement, une sorte de maillot rouge et noir. Hommes, femmes, vieux, jeunes, et dans une autre crise je les ai même vu habiller leurs bébés et leurs chiens comme ça.
Bon, ça fait partie de leurs bizarreries, de leurs rituels. C’est pas bien méchant.
J’ai remarqué aussi qu’ils semblaient intéressés par des postes de télévision, sur lesquels on voyait (dans tous les cafés) des images de gens courant dans un grand champ… 
Avec plein plein de gens autour du champ, qui les regardaient et qui semblaient assez agités aussi.

Ben oui parce que j’ai oublié de vous dire : la plupart des crises non-autistiques doivent se faire à plusieurs, pas comme pour nous les autistes, chez qui c’est individuel.
Par exemple si un non-autiste a le même comportement que ce que j’ai vu, mais seul, il sera regardé de travers, et mal considéré, donc bien sûr il va éviter.

Donc c’est un truc collectif. Eh oui, c’est « non-autistique », c’est social.
Ca a l’air compliqué vu comme ça, mais en fait c’est très facile et ça marche très bien : comme ils sont très très nombreux à être atteints de Troubles Non-Autistiques (ou Troubles du Non-Autisme), tout se fait automatiquement, ils ont juste à se copier entre eux.
Et puis leurs troubles font qu’ils ne se posent pas tant de questions.

Très nombreux ?
Ben oui : il n’y a pas si longtemps, le taux de prévalence du non-autisme était de l’ordre de 99%.
Maintenant il semble baisser un peu, puisqu’il y a davantage d’autistes.
Mais ça paraît tout de même une sorte d’épidémie gravissime et sans espoir.
Et au fait, face à ce problème majeur de santé publique (mentale), que font les pouvoirs publics ??…  C’est une bonne question, et je me remercie de me l’être posée.

(Tiens, même en étant revenu à la maison, j’en entends encore qui braillent dans l’immeuble. D’ailleurs on peut se demander quel besoin ils ont d’aller dans les cafés pour regarder la télé, alors qu’ils en ont tous une chez eux (ça fait partie de leurs objets fétiches et autres lubies).
Ou alors c’est parce qu’ils ont soif ? Mais chez eux aussi, il y a des robinets, et même des boissons…
Beaucoup de questions, peu de réponses. 
Espérons que la science parviendra un jour à percer les secrets de ces énigmes…)

Cependant, attention : il ne faut pas confondre le non-autisme avec les Troubles Non-Autistiques (ou Troubles du Non-Autisme).
Exactement de la même manière que l’autisme et les « troubles » ou difficultés en rapport avec l’autisme sont deux choses distinctes.
En effet, il y a un nombre assez important de personnes porteuses de non-autisme qui ne présentent pas ou peu de Troubles Non-Autistiques. D’ailleurs, il y en avait beaucoup cet après-midi, qui visiblement n’étaient pas en proie aux « convulsions rituelles » observées.

(Diantre, ça ne s’arrange pas : voilà que ça trépigne et que ça saute dans l’immeuble, et les murs en frémissent.
Et j’entends des klaxons dans la rue : ça veut dire que les automobilistes non-autistes sont contents. Sauf quand ils klaxonnent pour dire qu’ils ne sont pas contents.
Enfin faut pas non plus trop chercher à comprendre, sinon on risque de finir par être atteint(e)s aussi !! (rires)
Et j’entends même maintenant des feux d’artifices. Donc, au bout de plusieurs décennies d’études du non-autisme, j’ai envie d’avancer l’hypothèse qu’une équipe a gagné sur l’autre…)

Donc voilà.
Oui bien sûr de telles situations sont étranges, et on ne sait que penser ni que faire.

Faut-il les aider ?
Les amener à comprendre le côté obsessionnel de leur addiction, inadéquate quant au fond ?
Leur montrer à quel point c’est déconnecté de la réalité ?
Par exemple en leur expliquant que quand ils applaudissent ou encouragent les petits bonhommes qui courent dans les télés, ceux-ci ne peuvent pas les entendre ?
Ou leur expliquer que ces petits bonhommes sont en fait des « millionnaires en short » (merci Hugo Horiot pour l’expression) qui en réalité n’ont pas autant d’affection réciproque, et qui souvent ne font ça que pour leur intérêt personnel ?
(Donc aller applaudir des égoïstes richissimes, ça relève un peu de la pathologie, je trouve…)

Mais chaque fois que j’ai essayé d’expliquer ça (pas à des inconnus dans la rue), c’est le blocage total, et visiblement ils ne veulent surtout pas entendre raison.
Pire, parfois ils se vexent ou s’offensent.
(Le non-autiste a généralement un bon fond, mais il ne faut pas le « chatouiller » trop longtemps, sans quoi il peut devenir dangereux : c’est une chose à savoir.)

Bref, ils sont dans leur monde, dans leur « bulle », c’est tout.
Pas grand chose à faire, hélas.

Certes c’est pas dangereux, mais en même temps c’est beaucoup d’énergie (et d’argent) dépensés, alors que tant de causes mériteraient au moins autant d’efforts et d’enthousiasme.

Mais ils souffrent souvent de déficiences intellectuelles additionnelles, qui rendent assez vaines les tentatives d’explications.

D’autant plus que la communication, chez les non-autistes, c’est un sacré bazar.
Mais parfois ils se comprennent entre eux, à peu près. C’est déjà ça.

Ainsi, le Trouble Non-Autistique Footballistique est parmi les plus coriaces, et en même temps parmi les plus « socialement acceptables » : davantage que l’alcoolisme, le tabagisme, le mensonge, mais peut-être au même niveau que l’hypocrisie, la manipulation, le désir de grandeur et d’épater etc. etc. (je ne vais pas faire toute la liste, ce serait épuisant).

Parmi les nombreuses caractéristiques absurdes et pathologiques propres au TNA Footballistique, on peut noter aussi un singulier manque d’empathie : quand une équipe gagne, elle pavoise et exulte, sans le moindre respect ni la moindre discrétion à l’égard de la tristesse des supporteurs de l’équipe adverse, ce que la décence commanderait pourtant.

Tristesse toutefois très relative, puisque – et c’est l’un des autres mystères propres à ce trouble – de toutes façons même quand une équipe perd, ses supporteurs continuent pourtant à considérer qu’elle est la meilleure. Je n’exagère pas : observez et vous verrez que c’est bien comme ça que ça se passe, même si on a du mal à y croire.

Un tel déni de réalité – dans une sorte d’hallucination collective – a de quoi frapper, et devrait intéresser au plus haut point la psychiatrie et même les services de santé publique… Mais non… C’est « socialement considéré comme bien », donc, pour eux, dans leur monde (le Non-Autistan), c’est bien, c’est pas du tout irréaliste ni débile.

Est-ce un handicap ?
Ben non, puisque c’est accepté par tout le monde. Donc tout est pensé en fonction.
Par exemple quand des supporteurs vomissent ou urinent un peu partout, on les laisse tranquilles, on n’appelle pas les pompiers ou la police.
Et ils ne sont pas moqués, ni pour leurs actes inconvenants, ni même pour leurs pensées délirantes (déconnectées du réel).
Donc, pas de handicap.

Comment gérer ?
Ben c’est tout simple : il suffit de se dire qu’après tout ils sont comme ça, ils sont différents.
Il faut savoir accepter la différence.
On peut évidemment les plaindre, ou être content(e) de ne pas être à leur place, dans toute cette frénésie insensée et limite mystique.
Mais ce sont juste des êtres humains, avec leurs défauts, comme chacun(e).
C’est comme ça.

Donc, je crois qu’il faut fermer les yeux, les laisser dans leur délire somme toute assez inoffensif, et passer son chemin.
C’est exactement ce que j’ai fait : j’ai évité de m’approcher des meutes hurlantes (dont la gesticulante promiscuité aurait d’ailleurs compliqué la manducation de ma crème glacée en cours de fonte), et j’ai fait un détour par d’autres rues.
Ca fait faire un peu de marche.

Et la glace ? Bah, elle était bonne, c’est pas important.

Sacrés non-autistes*, avec leurs troubles rigolos 🙂
(Oups, faut pas se moquer : discrimination préjudiciable…)

Eric LUCAS
en direct du Non-Autistan footballistique tropical


*: Ici, j’ai écrit « non-autistes » pour aller plus vite, mais il est plus correct de parler de « Personnes Non-Autistes », car ce sont d’abord des personnes, comme nous, ne l’oublions pas !

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