Porteur du syndrome d’Asperger, j’ai quitté une France inadaptée [par Jean-Jacques Mages] (via L’Obs)

Source : https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-nos-vies-connectees/20110630.RUE2821/atteint-du-syndrome-d-asperger-j-ai-quitte-une-france-inadaptee.html


Je suis légionnaire parachutiste, mais rassurez-vous, je ne me considère pas comme un bas du front. D’ailleurs, j’ai quitté la légion après avoir ouvert les yeux.

Quoi d’autre ? Je suis Guyanais. Je suis atteint du syndrome de Hans Asperger – je suis un « Aspi » comme on dit – mais je ne le savais pas jusqu’il y a quelque temps. Personne ne l’avait remarqué dans ma jeunesse. Il semblerait que je fasse partie de ces Aspi considérés comme « light », ceux du tout premier niveau, dont personne ne sent rend compte, pas même les spécialistes de la question. Avec certains tests sur Internet, le résultat est négatif ; avec d’autres, le résultat s’inverse.

Le problème n’est pas d’être atteint de ce syndrome, mais bel et bien de subir la bêtise humaine. Et cela commence dans la famille, puis cela continue à l’école. Et dans la vie adulte, c’est la catastrophe.

 Un Asperger est quelqu’un qui a un gros cerveau, mais ne sait pas l’utiliser, mais surtout, il ne sait pas se défendre. Du coup, il prend des « baffes » tout au long de sa vie : en affaires, en amours, en amitié… Et au bureau.

Je me suis fait emmerder, insulter, moquer, agresser… Et à chaque fois, j’ai encaissé, ne sachant que faire.

Je n’ai jamais eu de problèmes avec les personnes au comportement intelligent. Hélas, ils sont une minorité.

George Lucas ou Bill Gates

Quand un Asperger bénéficie d’un environnement favorable, au sein d’une famille aimante et chaleureuse par exemple, puis avec des profs qui ont de la psychologie, cela peut donner… George Lucas ou Bill Gates.

Quand un Asperger se retrouve au milieu de bourrins qui le cassent verbalement chaque fois qu’il se plante, cela donne Jean-Jacques Mages, menant une existence de merde, surtout sur le plan professionnel. Et je ne suis pas défaitiste en écrivant cela.

En 2004, sur un site internet international, j’ai rencontré une femme originaire de Finlande au nom peu scandinave, Alice. Fin 2005, elle m’a demandé de venir s’installer chez elle. Ce fut la connerie de ma vie. Durant plus d’une année en Finlande, ce fut guerre et paix, mais rien à voir avec du Tolstoï.

Janvier 2007, je prends un aller simple pour Paris, et c’est comme cela que je me retrouve à Roissy avec un gros sac de voyage et aucune adresse où aller.

Mon frère et ma sœur me conseillent « aimablement » de me débrouiller sans eux, et j’obtempère car je ne suis pas un emmerdeur.

J’ai été dormir sur les banquettes de Roissy, comme d’autres SDF. Ensuite, j’ai été baladé de droite à gauche, de-ci de-là, en haut et en bas, sens-dessus et sens-dessous.

Le pays du « démerde-toi »

C’est durant ces petites années de belle galère que je prends conscience que quelque chose ne vas pas dans mon cerveau. Et c’est mon médecin qui me met la puce à l’oreille, car un de ses patients est un Asperger.

Que font les institutions et organismes pour ce genre de cas ? Ben rien, comme souvent dans ce pays. Démerde-toi coco et compte sur la part de chance.

En Scandinavie, il y a des endroits, des suivis, des machins, des trucs. Autre chose : les SDF ne le restent pas longtemps en Europe du nord. Du coup, je commence à gamberger.

Voilà que j’apprends que mon ex-copine finlandaise, Alice au pays des cauchemars, m’annonce que je suis toujours officiellement hébergé chez elle, malgré ma présence en France.

Et quand vous pouvez justifier de votre présence dans un territoire de l’espace Schengen durant deux années, vous pouvez demander un permis de résidence.

Retour en Finlande

Je décide de retourner à Helsinki, mais de manière plus adulte, cette fois-ci, en m’inscrivant partout où je peux m’inscrire, et en effectuant toutes les démarches administratives à la con, en France comme en Finlande. Une ancienne amie accepte de m’héberger le temps que je trouve un job.

Et voilà qu’en 2010, je reprends l’avion, en évitant le fameux nuage islandais, et que je dors dans un canapé, chose plus confortable que mon parking sous-terrain.

Bref, les choses se décantent. En Finlande, tout le monde a entendu parler de ce syndrome. Ils essaient de tout prévoir, car certains étrangers ont été diagnostiqués Asperger.

Exemple : le service de l’immigration en Finlande ressemble à un super Pôle emploi. En plus de l’aide à la recherche d’emploi, y sont inclus un service de psychologues et le suivi des étrangers.

Dans ce service où tout le monde parle et l’anglais et le suédois, voire parfois le russe courant, j’ai demandé un rendez-vous pour discuter de ce problème. Au cours de l’entretien, l’employé m’a demandé de suivre d’abord mon stage long (six mois) de langue jusqu’à son terme. Ce que j’ai fait.

Mon stage s’est terminé très récemment. Comme je pensais, j’ai eu des difficultés pour suivre les cours. Et j’ai appris, par une indiscrétion, que le service de l’immigration avait demandé à l’école de formation que l’on communique mes notes.

Nulle envie de rentrer en France

A la fin de mon stage donc, je suis retourné dans ce service pour demander un deuxième rendez-vous. Je viens de recevoir la lettre de convocation. Je sais ce qui va se passer : un psychologue va me « cuisiner gentiment », et guetter voir si je ne suis pas un simulateur voulant profiter des aides sociales finlandaises. Je vais recevoir une autre convocation sans aucun problème. Même si on est en été. Je vais passer ce test et, si le résultat est conforme, je serai classé comme Aspi.

A partir de ce moment-là, je serai réellement soutenu pour trouver un emploi (ce qui est mon objectif numéro 1) et un logement, car un service spécifique va s’occuper de mon cas. Nul besoin de galérer pendant des mois comme en France.

Du coup, vous comprendrez aisément pourquoi je n’ai nulle envie de revenir dans l’Hexagone… A moins d’être contacté par le secrétaire particulier de Liliane Bettencourt.

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